La FAS pointe l’impérieuse nécessité de préserver la trésorerie des entreprises et appelle à la plus grande prudence dans la politique de distribution des dividendes.
Paris, le 27 mars 2020
Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 PARIS
Monsieur le Président,
La brutalité des évènements imposés aux entreprises françaises par la grave crise sanitaire va logiquement entraîner un réexamen en urgence, au sein de chaque entreprise ou groupe, de la situation financière et des perspectives économiques, en fonction de son secteur d’activité et de son environnement international.
En particulier, les entreprises vont réexaminer leur stratégie d’investissement en fonction des perspectives à court et à moyen terme, avec la prudence nécessaire en raison des incertitudes sur la durée de la crise et sur ses conséquences à moyen terme dans les différents secteurs d’activité. Il est probable que la crise entraînera des conséquences importantes sur les modes de vie ainsi que sur l’évolution des marchés de produits et services. La nature et le calendrier des investissements seront revus avec le souci d’éviter des dépenses improductives et une détérioration de la trésorerie.
Dans ce contexte, chaque entreprise devrait être aussi conduite, au regard des principes de prudence, de responsabilité et d’exemplarité, à réexaminer sa politique de distribution de dividendes et de rachat d’actions. L’impératif doit être d’assurer la pérennité de la trésorerie de nos entreprises.
Le ministre de l’Economie et des Finances appelle d’ores et déjà les entreprises à faire preuve de modération dans leurs versements de dividendes. On comprendrait mal notamment qu’une grande entreprise qui verserait des dividendes au titre de l’exercice 2019, ou un acompte de dividende au titre de l’exercice 2020, licencie, fasse appel aux mesures de chômage partiel, à un crédit garanti par l’Etat, au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques et sociales de l’épidémie de Covid-19, ou bien encore ne paye plus ses fournisseurs dans les délais légaux en mettant ceux-ci en péril.
Pour autant, il paraît nécessaire de rappeler que le dividende n’est ni une aubaine ni une rente pour l’actionnaire. Il est la contrepartie aléatoire du risque pris par cet actionnaire en investissant dans l’entreprise et en devenant partenaire de celle-ci par l’argent qu’il lui a apporté. Il est normal que ce dividende soit réduit, voire supprimé, si les perspectives financières de l’entreprise le justifient.
Dans le cas contraire, il convient de rappeler que pour les actionnaires fidèles, le dividende est une ressource précieuse servant à maintenir leur niveau de vie, leur pension ou, dans le cas de l’Etat lui-même, à contribuer à alimenter son budget. Si l’entreprise souhaite préserver au maximum sa trésorerie, elle a aussi la faculté, si ses statuts l’autorisent, de proposer à ses actionnaires l’option de percevoir tout ou partie de leur dividende sous forme d’actions.
Il appartient à chaque conseil d’administration (ou à chaque directoire et conseil de surveillance) de procéder aux arbitrages ainsi nécessaires dans le respect des intérêts légitimes de chaque partenaire de l’entreprise. Dans le cas d’une société cotée, il doit aussi informer rapidement les marchés, comme l’a rappelé l’AMF, de toute révision de ses perspectives financières susceptible d’influencer le cours du titre et donc le patrimoine des actionnaires.
Si des augmentations de capital pour renforcer les fonds propres devenaient nécessaires, la confiance des actionnaires dans l’entreprise ne devrait pas avoir été entamée.
Cela vaut pour l’actionnariat salarié, composante très stable de l’actionnariat des entreprises. La FAS rappelle que le gouvernement a fait sien un objectif de 10% en moyenne du capital des entreprises françaises détenu par les salariés.
Vous avez appelé à l’unité nationale dans cette période exceptionnelle. Elle doit se traduire dans les entreprises. Cela passe par l’exclusion de toute forme de discrimination non justifiée par la situation objective de l’entreprise. Il est normal que les actionnaires, y compris les actionnaires salariés, fassent le cas échéant des sacrifices sur leurs droits portant sur les bénéfices, justifiés par la situation nouvelle. La décision de verser ou non des dividendes doit être appréciée au niveau de chaque entreprise dans un souci de non-discrimination et d’effort partagé par tous, y compris l’Etat actionnaire. Là où l’Etat est actionnaire, nous demandons donc qu’il veille à l’application stricte de
ce principe. Si le dividende était supprimé, cela devrait s’appliquer à tous les actionnaires de l’entreprise sans exception. S’agissant du partage des bénéfices avec les salariés, nous nous réjouissons que le montant de la participation leur revenant à l’issue du dernier exercice clos, leur soit versé.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma très haute considération.
Loïc DESMOUCEAUX
Président de la FAS